Vélo 15 et 7

La lettre de Vélo 15 et 7 - numéro 86 (octobre 2007)

 

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Edito

C’est maintenant plus que jamais qu’il faut promouvoir l’utilisation du vélo à Paris. C’est aujourd’hui que de nombreux parisiens se mettent au vélo (Vélib’) et c’est aujourd’hui qu’un débat de société s’engage sur l’énergie et les transports (Grenelle de l’Environnement).

Pourtant, qu’observe-t-on ? On culpabilise et on verbalise les cyclistes, sans discernement quant à la gravité de l’offense, tandis que l’obligation du port du casque fait son retour. L’idée en avait pourtant été abandonnée il y a quelques années faute de pouvoir prouver que cela avait une quelconque influence positive sur la sécurité des cyclistes urbains (voir lettre du président de la FNAUT en p. 2). A quelques 800 kilomètres d’ici, la ville de Barcelone a adopté récemment des mesures extrêmement contraignantes et répressives pour les cyclistes (voir p. 3), mesures qui serviront de contre-exemple, espérons-le, et nous éclaireront sur ce qu’il ne faut pas faire.

Tout cela (verbalisation, casque, nouveau code à Barcelone) a pour même prétexte la sécurité. Or ni le respect scrupuleux du Code de la route, ni l’instauration d’un Code plus contraignant, ni le port du casque ne sont garant de sécurité pour les cyclistes.

Tout se passe comme si la déferlante de vélos allait causer une véritable hécatombe parmi les citadins, et qu’il fallait les protéger d’eux-mêmes. Rien n’est moins faux : à Amsterdam, où on trouve de très nombreux cyclistes dont aucun ne respecte le code de la route, on ne déplore pas de sur-mortalité des cyclistes, bien au contraire. D’ailleurs, selon les chiffres de la préfecture de police, sur les 577 accidents ayant impliqué des cyclistes en 2006 à Paris, 75 ont été causés par l’ouverture intempestive d’une portière alors que... 35 seulement ont été causés par le non-respect du feu rouge par le cycliste, c’est-à-dire moins de la moitié. Est-il dans ce cas justifié de sanctionner au prix fort un cyclistes qui dépasse le feu pour se placer en avant du flot d’automobiles ?

Tout se passe comme s’il fallait inventer de nouvelles réponses face à cette donnée inconnue qu’est le vélo. Or des solutions constructives, saines, documentées ont déjà été apportées dans le rapport parlementaire Le Brethon en 2004, intitulé "Propositions pour encourager le développement de la bicyclette en France". Dans ce rapport, l’élue du Calvados (députée UMP) propose le Code de la rue, les doubles-sens cyclables, les zones 30, le développement de solutions intermodales, l’instauration de quotas de stationnement cyclable dans les zones urbaines ainsi que dans le bâti neuf, et déconseille vivement l’instauration du port du casque obligatoire.

Tout se passe comme si les cyclistes étaient un problème, alors qu’en réalité, ils sont la solution.

Cécile Chartier


Contre le casque obligatoire

Le Comité interministériel Sécurité routière a prévu de proposer courant octobre une mesure de port obligatoire du casque à vélo. La FUBicy invite ses adhérents à interpeler leur député ou sénateur, Denis Baupin, le président du Club des villes cyclables a écrit une lettre à monsieur Borloo, ainsi que Jean Sivardière, le président de la Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports. C’est cette dernière lettre que nous publions ici.

Jean Sivardière Paris, le 6 octobre 2007

président de la FNAUT

tél. 04 76 75 23 31

M. Jean-Louis Borloo

Ministre de l’Ecologie, du Développement

et de l’Aménagement Durables

246 boulevard Saint Germain

75007 Paris

Objet : port du casque par les cyclistes urbains

Monsieur le Ministre d’Etat,

A la fois association de consommateurs agréée par l’Etat et association de défense de l’environnement, la FNAUT travaille, depuis sa création en 1978, à la définition et à la promotion d’une politique des transports conforme aux exigences économiques, sociales et environnementales du développement durable.

Elle se préoccupe du développement des transports collectifs mais aussi de l’usage des modes non motorisés, en particulier du vélo, au sujet duquel elle est intervenue énergiquement au sein de l’atelier transport du Grenelle de l’environnement.

Nous venons d’apprendre que le gouvernement s’apprête à rendre obligatoire le port du casque à vélo. Une telle mesure, qui n’a été adoptée par aucun des pays européens voisins connus pour le succès de leurs politiques cyclables, nous semble inutile, anti-pédagogique et même contre-productive.

Les cyclotouristes et cyclosportifs roulent souvent à vive allure et, surtout s’ils se déplacent en peloton, ont intérêt à porter un casque qui les protège en cas de chute ou de collision avec un obstacle fixe. Le cas des cyclistes urbains est bien différent car ils roulent pour la plupart à allure lente ou modérée.

Contrairement à une idée reçue, l’usage du vélo urbain n’est pas dangereux, et les lésions crâniennes ne sont pas plus fréquentes chez les cyclistes urbains que chez les piétons que personne ne songe à équiper d’un casque. L’explosion de la pratique du vélo dans les villes d’Italie du nord et plus récemment à Lyon et à Paris n’a d’ailleurs été accompagnée d’aucune aggravation de l’insécurité, bien au contraire.

C’est l’usage des deux-roues motorisés qui présente de graves dangers, et ce sont ces dangers qui doivent être appréhendés en priorité car le nombre de motocyclistes et scootéristes augmente rapidement en ville.

L’obligation du port du casque serait antipédagogique. Il faut au contraire agir sur le comportement, souvent agressif, de l’automobiliste, l’inciter à respecter les usagers les plus vulnérables de la voirie.

Selon une étude britannique récente, l’obligation du casque pourrait au contraire être un facteur de risque pour les cyclistes : en effet, l’automobiliste prend moins de précautions lorsqu’il double un cycliste casqué, considéré comme moins vulnérable qu’un cycliste non casqué.

Un psychologue britannique l’a vérifié dans les rues de Salisbury et Bristol : à l’aide d’un capteur de distance et d’un ordinateur montés sur son vélo, il a enregistré 2500 dépassements par des automobilistes, la moitié casqué, l’autre moitié tête nue. Le port du casque réduit la distance de dépassement de 8,5 cm. Sa conclusion : le casque est utile pour les jeunes enfants et en cas de chute à vitesse réduite, mais il rend aussi une collision plus probable.

L’expérience a montré que l’obligation du casque, accessoire encombrant, peu esthétique et facile à voler, décourage l’usage du vélo (la quasi-obligation de l’antivol est une contrainte suffisante). En Australie, exemple bien connu des spécialistes, elle a provoqué une désaffection immédiate, de l’ordre de 30%.

L’obligation du casque est par ailleurs contradictoire avec les efforts des collectivités locales et des entreprises, à travers les plans de déplacements d’entreprises, pour promouvoir l’usage du vélo.

La sécurité des cyclistes dépend essentiellement de la place qui est accordée par les collectivités locales à la voiture et des vitesses autorisées aux automobilistes. Une enquête de la DSCR a montré que le nombre des cyclistes tués a diminué de 30% entre 1992 et 2001 alors que la diminution de la mortalité n’a été que de 15% pour l’ensemble des usagers de la voirie : selon elle, cette évolution n’est pas due à la diminution du nombre des cyclistes pendant cette période, mais à l’extension des aménagements cyclables urbains et périurbains. A Amsterdam ou Ferrare, les cyclistes ne portent pas de casque : les aménagements de la voirie suffisent à les protéger.

En conclusion, l’usage du vélo, mode de déplacement respectueux de l’environnement, bien adapté au milieu urbain par son faible encombrement et excellent pour la santé, doit être encouragé, en particulier chez les jeunes, et non découragé par une mesure inutilement contraignante, dogmatique car elle ne s’appuie sur aucune base scientifique sérieuse (comme l’obligation d’utiliser les codes de jour, qui a échoué et dont heureusement on ne parle plus), et technocratique car elle néglige ses conséquences sur le comportement des cyclistes quotidiens, qu’il ne faut pas confondre avec les cyclotouristes. Il y a des mesures, directes et indirectes, à prendre plus efficaces pour améliorer la sécurité des cyclistes que l’obligation du casque et, pourquoi pas, d’une armure.

L’Etat peut ainsi lancer une vaste campagne incitant les cyclistes à s’équiper d’un éclairage correct. Il peut accélérer l’adoption d’un code de la rue, selon le modèle belge, afin de protéger les usagers les plus vulnérables de la voirie urbaine. Enfin il peut multiplier les radars automatiques, et décider un abaissement général des vitesses de 10 km/h sur le réseau routier, mesure recommandée par l’atelier transport du Grenelle de l’environnement, qui a fait l’objet d’un consensus parmi les participants.

Vous remerciant de votre attention, je vous assure, Monsieur le Ministre d’Etat, de ma haute considération.

Jean Sivardière


Les ennuis, il n’y a pas qu’à Paris !

A Barcelone le vélo est présent dans tous les médias et fait débat en raison d’un nouveau règlement de circulation des piétons et véhicules (sic) qui s’applique depuis le 17 septembre dernier. Face à une forte augmentation du nombre de cyclistes et parce que les aménagements cyclables sont très insuffisants, la municipalité est tentée de réglementer à outrance.

Les cyclistes locaux s’arrachent les cheveux, la plupart des règles imposées à la bicyclette étant difficiles, voire impossibles à respecter. Ainsi, la municipalité leur impose d’utiliser les aménagements cyclables quand ceux-ci existent, alors même que ce sont souvent des pistes sur le trottoir où il est impossible de se déplacer rapidement puisque celles-ci sont envahies par les piétons et que le règlement (toujours lui) dit que les cyclistes donneront toujours la préférence au piéton, la vitesse étant limitée à 20km/h de toute façon (vous avez un compteur sur votre guidon, vous ?).

Bien que le matériel de stationnement pour deux-roues soit nettement insuffisant (8 000 accroche-vélos à la fin de 2007 pour 50 000 cyclistes), vous n’avez plus le droit d’accrocher votre vélo ni à un feu, ni à un arbre, ni à un banc, ni à une poubelle, pas le droit de stationner non plus à côté d’un arrêt de bus, d’une zone de livraison, d’un passage pour piétons, etc... De plus, vous devez, dans tous les cas, laisser un espace minimum de 3 mètres pour le passage des piétons (mieux vaut se munir d’un mètre pour circuler à vélo dans cette ville !). Et attention à la fourrière si vous êtes mal garé ! L’amende est de 90€ pour l’enlèvement du vélo, plus 50€ pour stationnement illicite. On pourrait multiplier les exemples qui finissent par décourager d’utiliser son vélo à Barcelone... Ce règlement irréaliste spécifie également que pour doubler un cycliste, l’automobiliste prendra les plus grandes précautions, changera de voie et s’écartera d’un mètre cinquante du cycliste. Le conducteur doit aussi laisser 3 mètres minimum entre son véhicule et le vélo qu’il suit. On aimerait que cela soit applicable en ville !

Quant au touriste, s’il lui prend la fantaisie de visiter la ville à vélo (attention, ça peut grimper fort !), il lui sera remis lors de la location de sa bicyclette le dit règlement qu’il lui est conseillé de potasser, car les amendes sont conséquentes (120€ pour conduite téméraire (sic), 100€ pour un feu rouge grillé, 90€ pour le portable, etc... ).

Pour en revenir à notre préoccupation du moment, signalons que les cyclistes barcelonais sont également opposés au port obligatoire du casque. L’argument qu’ils avancent ? Si un automobiliste heurte un cycliste à 46,5 km/h, la force de l’impact sera suffisante pour expédier celui-ci à la hauteur d’un 13e étage (source : Dirección General del Tráfico). Le casque n’est pas la solution.

Pour en savoir plus, et à condition de comprendre un minimum le catalan, des petites vidéos sur ce site www.amicsdelabici.org vous expliquent l’absurdité de la nouvelle situation.

« Som una solució, no un problema » (nous sommes une solution, pas un problème), disent les Amics de la Bici. Quelqu’un penserait-il le contraire ?

Nathalie Privat


Brèves

Vélo 15et7 a participé à la Fête Nat’ (la fête de la nature et de l’écologie) au parc Georges Brassens le 30 septembre dernier. Non seulement la fête était très colorée et ludique, mais en plus le beau temps était au rendez-vous.

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le stand de Vélo 15et7


Agenda

Lundi 22 octobre : à 19h15, réunion mensuelle de l’association. Pour connaître le lieu, appeler le numéro 01 43 06 34 73 ou contacter l’association par mail velo15et7@no-log.org.

Jeudi 22 novembre : l’association doit se réunir pour une nouvelle Assemblée Générale. A 19h15, à la Maison Communale, 69 rue Violet, dans le 15ème.