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Pas bien loin de chez nous...
Pour cette lettre estivale un peu plus longue que d’habitude, nous vous proposons de regarder ce qui se passe autour du vélo en Belgique. Si la place de ce mode de déplacement n’y est certes pas celle qu’on lui accorde en Hollande, en Allemagne ou au Danemark, il y a cependant chez notre proche voisin du nord quelques acquis que peuvent lui envier les cyclistes français.
Par exemple, la chance de bénéficier en ville de doubles sens cyclables grâce au code de la rue (p.4). Ceux-ci commencent aussi heureusement à se trouver dans le paysage urbain parisien : nous vous en parlions déjà dans la lettre de Vélo 15et7 d’avril dernier. A l’automne, de nouveaux doubles sens cyclables devraient apparaître à Paris, comme annoncé lors du dernier Comité de pilotage vélo (p.5).
En Belgique, les utilisateurs de circulations douces autres que le cycliste bénéficient bien entendu aussi du code de la rue. Nous vous en présentons brièvement quelques aspects (p.4). Même si ces mesures peuvent sembler très insuffisantes par rapport à ce que pourrait être une ville véritablement « pacifiée », elles ont le mérite d’introduire une nouvelle façon de penser les relations d’usagers de la voirie et une ville plus conviviale : nous aimerions bien qu’on s’en inspire davantage en France. La simple dénomination « code de la rue » est elle-même une avancée puisque nommer c’est commencer à faire exister, familiariser les esprits avec une notion nouvelle.
Toujours concernant ce pays, vous trouverez aussi dans cette lettre un plaidoyer pro vélo plein de bon sens de Bernard Dehaye (p.2 et 3) que nous avons souhaité reproduire presque in extenso tant il nous paraissait intéressant, ainsi qu’un aperçu de la journée Bicycity du 6 mai 2007 (p.3) à laquelle il est d’ailleurs fait allusion dans l’article qui le précède.
Nathalie Privat
Cet article a paru dans un grand journal, La Libre Belgique, au début du mois de mai.
L’heure du vélo a sonné
par Bernard Dehaye
président du Gracq (coordination wallonne des associations cyclistes)
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Nous sommes moralement obligés de remettre en question notre mode de vie, notamment la manière de nous déplacer. Une des solutions passe par une véritable promotion de l’usage du vélo.
Nous savons aujourd’hui que le climat de notre planète court un grand danger, et que nous sommes moralement obligés de remettre rapidement en question notre mode de vie, la façon de chauffer nos maisons, la manière de nous déplacer, le sens de choisir d’habiter loin de son lieu de travail parce que le prix du terrain y est moins cher,... Bref, des pans entiers de ce qu’on nous présentait comme le progrès et la liberté s’effondrent si nous acceptons de prendre nos responsabilités dans ce défi planétaire.
Nous savons aussi que, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la mécanisation de notre environnement, tout ce qui a été fait pour faciliter nos déplacement(véhicules à moteur, ascenseurs, escalators), de même que nos loisirs statiques (télévision, jeux vidéo, Internet), entraînent une détérioration de la santé de nos populations par manque d’exercice physique. Ce sont les maladies de la sédentarité : maladies cardiovasculaires, hypertension, diabète, obésité, ostéoporose, mais aussi stress et dépression. Et ces maladies sont en croissance exponentielle dans nos pays d’abondance, dits développés, avec des coûts de soins de santé suivant la même courbe inquiétante. Or, selon l’OMS, il suffit de 30 minutes d’exercice physique quotidien pour réduire de moitié les risques liés à ces maladies. Une demi-heure qui peut être effectuée en deux fois 15 minutes, ce qui correspond à un parcours quotidien à vélo d’environ 5 kilomètres matin et soir. Or, la moitié de nos déplacements, trop souvent motorisés, font moins de 5 kilomètres, distance facilement réalisable à vélo.
Il est bien sûr possible de s’abonner à une salle de fitness et d’y pédaler en cadence devant un miroir, de participer à un stage sportif, etc... Tout cela est bien, mais ne satisfait pas à la nécessité d’un exercice quotidien. Nous savons d’autre part que ces bonnes résolutions "sportives" tiennent rarement sur la durée.
En revanche, celui qui utilise le vélo pour se rendre chaque jour à son travail, fait du sport sans même s’en rendre compte, tout au long de sa carrière professionnelle. C’est assurément une des activités physiques les plus pérennes et les moins coûteuses qui soient, surtout quand votre patron vous paie une indemnité de 0,15 euro par kilomètre parcouru, exonérée d’impôts.
Oui, mais le vélo c’est dangereux, et puis, en Belgique, il pleut tout le temps. Voilà les deux clichés les plus souvent évoqués pour justifier que l’on préfère le confort de sa voiture, et la loi du moindre effort.
Concernant la fréquence de la pluie, le cycliste quotidien sait que neuf fois sur dix, il a peut-être plu, il va peut-être pleuvoir, mais il ne pleut pas pendant qu’il roule.
Quant au danger d’accident, il peut être largement minimisé par une formation à la conduite du vélo dans le trafic. De plus, une étude anglaise (1) a montré que le nombre de jours de vie gagnés par la pratique quotidienne du vélo est entre 15 et 20 fois supérieur au nombre de jours de vie perdus suite à un accident lors de cette pratique quotidienne.
Quant à l’argument du relief évoqué pour expliquer qu’il y a beaucoup moins de déplacements effectués à vélo en Wallonie qu’en Flandre, il est contredit par la part modale élevée du vélo en Suisse ou en Allemagne qui ne sont pas des pays particulièrement plats, mais qui ont investi massivement dans les aménagements cyclables. Quant aux villes wallonnes, plusieurs se trouvent dans une cuvette relativement plane où les côtes les plus marquées sont celles des ponts qui franchissent les rivières, et où le vélo pourrait être facilement utilisé. Enfin, les vélos modernes offrent des vitesses qui permettent de monter n’importe quelle côte à son aise.
Oui, mais, il n’y a quasi pas de cyclistes en Wallonie, me rétorque-t-on régulièrement. Pourquoi voulez-vous que la Région wallonneet ses communes investissent dans des aménagements cyclables le long des routes wallonnes ?
C’est justement parce qu’il n’y en a pas assez que les Wallons n’osent pas utiliser le vélo, vers le travail notamment. Partout où des aménagements cyclables sont réalisés correctement, en réseau, permettant des continuités de parcours, les cyclistes sortent de terre et se multiplient comme par enchantement. C’est notamment le cas à Bruxelles.
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Les associations représentatives des cyclistes quotidiens ont une bonne connaissance des besoins de ces usagers, encore faut-il qu’on les consulte et qu’on les écoute, à tous les niveaux de pouvoir.
Une politique en faveur du vélo, cela se planifie de manière globale et transversale. Au-delà du sport et du loisir, il faut une infrastructure routière sûre pour le cycliste, une véritable priorité accordée à la sécurité routière avec une police locale présente et dissuasive, et une image du vélo revalorisée, sans oublier la fiscalité, le logement, l’aménagement du territoire, l’enseignement, l’emploi, le commerce, le tourisme, etc... Enfin, cette promotion de l’usage du vélo ne peut bien sûr se concevoir sans une restriction du rôle et de l’espace alloués à l’automobile.
En conclusion, pour toutes les raisons évoquées ci avant, nous pensons qu’il est grand temps de développer une véritable politique volontariste en faveur du vélo comme moyen de déplacement durable et sain. Ce n’est plus une option, c’est une nécessité.
Dimanche 6 mai se tiendra Bicycity, un événement où des milliers de cyclistes devraient défiler dans Bruxelles pour, notamment, réclamer des infrastructures suffisantes.
(1) Docteur Harry Rutter, du département de Santé publique de l’Université d’Oxford.
Et toujours en Belgique...
Cyclistes sur l’autoroute
Quelques 6 000 Belges ont convergé, le dimanche 6 mai, vers Bruxelles pour l’opération Bicycity (organisée conjointement par le GRACQ et le Fiesterbond Brussel), avec un passage symbolique sur l’autoroute. Des tronçons des deux autoroutes concernées ont été fermés et provisoirement interdits à la circulation automobile durant le passage des cyclistes. Vous pouvez aller voir la vidéo et une photo à la page :
http://www.bicycity.be/index.php ?lang.fr.
A l’arrivée en ville, ce sont 10 000 personnes qui se trouvaient réunies (chiffre annoncé par la police) pour cette manifestation qui entendait interpeller les pouvoirs publics sur le manque de sécurité et d’infrastructures pour le vélo en Belgique. Les organisateurs demandent, entre autres, d’adapter le code de la route aux cyclistes, d’appliquer une fiscalité favorable à la pratique du vélo ou encore de décider un investissement de la SNCB (Chemins de fer belges) dans un stationnement sécurisé pour vélos.
Le Code de la rue
En Belgique, d’importantes modifications, connues sous l’intitulé de « code de la rue » et appliquées depuis le 1er janvier 2004, ont été apportées au code de la route. Il se trouve que ce dernier est principalement axé sur la circulation des véhicules à moteur et, pour la ville en particulier, ne convient absolument pas, la rue n’étant pas la route à l’évidence. Ce code de la rue vise à assurer un partage plus équilibré de la voie publique entre les différentes catégories d’usagers et offrir une plus grande sécurité aux usagers « doux ».
Dans ce code de la rue, on trouve ainsi évoqués les zones de rencontres, les trottoirs traversants, les coussins, les SUL... Qu ’est-ce cela ?
? Les zones de rencontre admettent des activités commerciales, touristiques, d’artisanat, scolaires, etc... Dans ces zones, le piéton peut utiliser toute la largeur de la voie publique : les jeux y sont autorisés. Les conducteurs ne peuvent mettre en danger la vie des piétons, ni les gêner ; au besoin, ils doivent s’arrêter. La vitesse y est limitée à 20 km/h. La stationnement est interdit sauf aux endroits clairement autorisés.
Un équivalent du quartier Montorgueil ?
? Le trottoir traversant : lors de leur déplacements, les piétons doivent régulièrement descendre des trottoirs et traverser des chaussées : les cheminements des véhicules sont continus alors que ceux des piétons sont interrompus. La philosophie du code de la rue inverse cette tendance : les trottoirs peuvent être continus et les chaussées interrompues.
Situé au débouché de rues secondaires, le trottoir traversant se prolonge à travers la chaussée, obligeant le conducteur à ralentir et à céder le passage aux autres usagers. On en voit de timides imitations dans les nouveaux aménagements comme à l’entrée de nos quartiers verts.
? Le coussin est un nouveau dispositif de ralentissement des véhicules. Il s’agit d’une surélévation locale de la chaussée, sur une largeur telle que les roues d’un bus passeront de part et d’autre de celle-ci, donc avec une contrainte nettement moindre que pour une voiture.
Cyclistes, cyclomotoristes et motocyclistes peuvent passer à côté de la surélévation.
? Le SUL ou sens unique limité : depuis le 1er janvier 2004, tous les sens uniques, à de rares exceptions près pour des raisons particulières de sécurité, sont désormais ouverts aux cyclistes roulant à contresens du trafic général.
C’est notre contresens ou double sens cyclable.
A Paris, cette fois...
Retour sur le Comité vélo du 21 juin
Votre association était représentée, comme chaque fois, au Comité de pilotage vélo qui s’est tenu à l’Hôtel de Ville. Nous avons retenu ici deux sujets abordés parmi d’autres :
les contresens cyclables sans marquage continu :
Les cyclistes seront autorisés à emprunter dès l’automne prochain les sens interdits dans certaines rues calmes (zones 30). Pour l’instant, un peu plus de 24 km sont prévus qui seront progressivement mis en place. Les premiers panneaux autorisant la circulation à double sens pour les vélos seront placés dès cet été.
Pour nos deux arrondissements, les quartiers Commerce, Dupleix, Université et Bellechasse étaient préssentis, mais le Maire d’arrondissement du 7e a refusé pour la rue Bellechasse et il est peu probable qu’il donne son accord pour le quartier de l’Université. Pour le 15e, il semble qu’on s’achemine vers un accord.
Nous vous rappelons que les sens interdits ne sont pas prévus par le code de la route pour des raisons de sécurité, mais pour fluidifier le flux de circulation. Rouler à vélo en contresens des voitures ne contredit pas cet objectif et offre, de surcroît, plus de sécurité pour le cycliste qui voit venir le danger. Plusieurs études et la pratique, à Strasbourg ou à Colombes, près de Paris, le démontrent. En Belgique, les double sens pour cyclistes (appelés SUL en français et BEV en néerlandais) sont largement répandus depuis des années.
Vous pouvez voir un reportage de TF1 sur ce sujet à partir de notre site :
http://velo15et7.free.fr/articles/article.php3 ?id_article=25
le nouvel accroche-vélo, baptisé « trombone » en raison de sa forme.
Les associations de cyclistes avaient choisi sur plan ce nouveau modèle de matériel de stationnement d’un commun accord, lors du Comité vélo de juin 2006, à partir des modèles qui leur étaient proposés. Nous devions l’avoir à l’essai l’automne dernier, il nous arrive en juillet.
Huit exemplaires de cet accroche-vélo seront donc placés rue du Colonel Driant (1er arrondissement) et il sera adopté définitivement s’il donne satisfaction. Allez l’essayer et donnez-nous votre avis en nous écrivant à velo15et7@no-log.org
Agenda
En juillet et août, rendez-vous le 22 du mois à 19h15. Pour plus de convivialité, nous choisissons de nous retrouver au café Le Commerce, 80 rue du Commerce, 15e.
Bilan 2006 de l’observatoire des déplacements à Paris
Cet Observatoire, qui dépend de la Direction de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris, réalise des enquêtes et des observations sur le terrain, et établit une synthèse de données statistiques. Son bilan 2006 vient de paraître et peut être téléchargé sur la page
http://www.paris.fr/portail/deplacements/Portal.lut ?page_id=7627&document_type_id=4&document_id=26324&portlet_id=17647
du site Internet de la Ville de Paris.
Longueur des aménagements cyclables :
D’après la page 13 de ce document, 43,6 km d’aménagements cyclables ont été réalisés en 2006, approchant ainsi les 50,5 km de 1996 et les 51,2 km de 1997, et portant à 370,9 km le linéaire total à la fin 2006. L’augmentation progressive des aménagements réalisés (6,6 km en 2001, 2,1 en 2002, 23,4 en 2003, 11,2 en 2004, 34,5 en 2005) porte à 121,4 km les aménagements cyclables réalisés en six ans sous l’actuelle mandature, à comparer aux 241,3 km réalisés de 1996 à 2000.
Ce comptage comprend les couloirs de bus non élargis et non protégés officiellement autorisés aux cyclistes (dont en particulier les 69 km dont l’ouverture aux cyclistes a été annoncée le 25 mai 2000 et officialisée par un décret du 12 janvier 2001), et pas des autres. Cette distinction est théorique, puisque les cyclistes, pour leur sécurité, roulent dans tous ces couloirs, et qu’ils ignorent bien sûr cette distinction. Les membres de l’association habitant le sud du XV° arrondissement savent-ils par exemple que le couloir de bus de la rue de Vaugirard, qu’ils prennent pour rejoindre le centre de Paris, leur est autorisé, et que cette rue fait donc partie du linéaire considéré comme cyclable, contrairement à la rue Lecourbe, qu’ils utilisent pour en revenir ?
La grève fabrique de cyclistes
Sous ce même titre (avec un point d’interrogation), nous formulions, dans le n°71 de notre lettre, dans l’analyse de l’édition 2004 de ce bilan, l’hypothèse que les grèves des transports publics constituaient la cause principale de l’augmentation du nombre de cyclistes à Paris. Cette hypothèse s’appuyait sur la forte hausse (+31%) du nombre de cyclistes en 2003 (année de grève dans les tansports en commun) par rapport à 2002, et sur des hausses bien plus modestes les autres années, ainsi que sur le souvenir de la longue grève de la fin 1995 : pendant cette grève, on avait vu des myriades de vélos ressortir des caves et/ou revenir de la campagne pour être utilisés dans Paris, et surtout il est apparu clairement (il n’y avait alors pas de comptages de cyclistes) qu’après la grève le nombre de cyclistes était très supérieur à ce qu’il était avant.
Les résultats de 2005 (+5%) et 2006 (-2%) confortent cette hypothèse. Face à cette augmentation de 31% pour la seule année 2003, le nombre de cyclistes a augmenté de 24% AU TOTAL pour l’ensemble des huit autres années de 1997 (début des comptages systématiques) à 2006, soit une moyenne de 2,5% par an. Plus en détail, en prenant des périodes relativement homogènes, la variation moyenne annuelle a été de +9% de 1997 à 1999, -1% de 1999 à 2002, +31% de 2002 à 2003, +2,5% de 2003 à 2006.
Ce phénomène s’explique aisément, et beaucoup de nos adhérents le savent : il est difficile de convaincre par des mots un(e) ami(e), un(e) collègue de travail, de l’efficacité du vélo comme mode de déplacement, du plaisir et de la liberté qu’il procure, de son aptitude à nous maintenir en forme... Rien ne vaut l’essai, en vraie grandeur, sur une période significative. Une grève des transports publics peut convaincre par la contrainte. Espérons que la mise à disposition de vélos en libre service, qui débute au moment où paraît ce numéro, amènera de nombreuses/x parisien(ne)s à se rendre compte des avantages et atouts du vélo comme mode de déplacement.